Un rêve d’enfant se réalise. Demain départ pour l’Australie. Après plusieurs semaines de préparation, l’itinéraire est bouclé. Nous atterrirons à Melbourne pour nous rendre en Tasmanie, à Sydney, Cairns, Darwin, Alice Springs et Uluru. Le tout en moins de quatre semaines et en voyageant par des vols internes. Sacré challenge! Mais voilà, l’inquiétude des imprévus et des derniers préparatifs est vite oubliée face à l’excitation du départ.
Compte tenu du prix du voyage et de la distance, il est difficile d’envisager la découverte de l’Australie uniquement sous le prisme de l’observation des oiseaux: trop réducteur! Néanmoins, l’attrait principal du pays est évidemment sa nature préservée et sa faune unique au monde. Par conséquent, même si ce voyage n’était pas strictement dédié à l’ornithologie, l’observation de l’avifaune a pris une place conséquente.
Deux compagnons de route pour cette aventure:
L’excellent guide d’identification: « Birds of Australia (Helm field guides 8th edition)« , très complet, simple et efficace. J’ai pu aisément identifier l’ensemble des espèces observées. Pour chaque espèce, le texte descriptif, la carte de répartition ainsi que l’illustration sont sur une même double page (dans certains guides, toutes les illustrations sont séparés des cartes de répartition ce qui nécessite des navigations incessantes d’une partie à une autre).
Un guide de terrain: « Finding Australian Birds » lui aussi très complet et qui couvre tout le territoire (Tasmanie et « Offshore Island » comprises). Les points d’intérêts y sont tous décrits avec précision. Ce guide donne non seulement les espèces à contacter mais aussi des informations générales sur l’histoire et la géographie de la région. Cependant, deux inconvénients importants: le poids du livre et son prix. Si vous voulez acheter ce livre, je recommande de photocopier uniquement les lieux qui vous intéressent pour minimiser votre encombrement.
Melbourne
Le « Royal botanic Garden »
Après 24 heures de vol, le décalage horaire et la fatigue du voyage nous plongent dans une sorte de nébuleuse, proche du rêve. Melbourne n’a rien de différent des grandes cités occidentales, les enseignes de magasin et les buildings sont les mêmes … pas de dépaysement de ce côté là. C’est en entrant dans le jardin botanique que l’on commence à percevoir que nous sommes à l’autre bout du monde. Ici tout est nouveau. Les plantes, les sons, les oiseaux nous font plonger tout droit dans le jurassique. On s’extasie devant les espèces les plus communes comme la Gralline Pie (Magpie Lark en Anglais), sorte de croisement entre notre Alouette Calandre et notre Pie Bavarde. Nous remarquons que les corneilles ont un cri différent des nôtres. Le Canard branchu, perché sur une cheminée ou encore la Talève Sultane quasiment apprivoisée contribuent également à cette atmosphère surréaliste. Le jardin botanique est somptueux, il s’intègre parfaitement dans l’espace urbain ou est-ce la ville qui s’est intégré à lui …? difficile à dire tellement le sentiment d’immersion dans une nature sauvage est fort. Selon beaucoup de personnes, le jardin botanique de Melbourne est le plus beau d’Australie, il est vrai que celui de Sydney a beaucoup à lui envier.
Parmi l’avifaune locale, le Martin Chasseur Géant survole les étangs le Méliphage à bec grêle butine les fleurs et le Méliphage à gouttelettes trouve sa nourriture dans une plante dont le nom restera introuvable malgré mes recherches. Le Cygne noir, la Foulque macroule et la Gallinule sombre partagent les étendues d’eau, le cri rauque du Cacatoès à huppe jaune raisonne à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Les deux ou trois individus au loin nous font d’abord penser à des hérons garde bœuf.
Le lendemain matin, la grisaille de la veille a laissé place à un soleil radieux… l’occasion de profiter des couleurs majestueuses du Loriquet à tête bleue et de se risquer à faire quelques clichés.
Le « petit pingouin » de St Kilda
Retour à notre auberge de jeunesse dans le quartier de South Yarra (Hotel Claremont Guest House), chambres petites mais confortables, parfaites pour les voyageurs de passage. Un employé de l’auberge qui parle parfaitement français nous renseigne sur les activités compatibles avec notre emploi du temps (une journée à combler avant le grand départ vers la Tasmanie). La très célèbre « Great Ocean Road » ne sera pas honorée de notre visite … prévoir au minimum deux jours. Reste le circuit du Grand Prix de Formule 1 … mmm …bof… pas vraiment dans l’esprit de notre voyage. Les dépliants de l’auberge vantent les mérites de la grande parade des pingouins de Philip Island. Le « petit Pingouin », Manchot Pygmée de son vrai nom, passe la journée en mer et rentre en fin de journée pour s’abriter sur la terre ferme. Tout est aménagé pour que les touristes observent de prés les oiseaux sortir de l’eau et se dandiner pour rejoindre leur abri. Pourquoi pas? Mauvaise idée! nous répond notre conseillé éclairé, l’accès est payant, les aménagements et les touristes rompent le charme de cette parade naturelle. Pour voir le petit Pingouin, préférez la digue de St Kilda (« St Kilda pier breakwater »), accessible en transport en commun depuis le centre ville de Melbourne, un peu moins touristique et gratuit! Nous nous rendons là-bas en fin d’après-midi: ne pas oublier que c’est l’hiver, le soleil se couche aux alentours de 18h00. Les manchots sont là … mais les touristes aussi! La partie la plus au nord de la digue est fermée ce qui offre un peu de quiétude aux oiseaux. Mais ceux qui ont le malheur d’accoster sur la partie ouverte se font harceler par les badauds … dont je fais partie! Les pingouins se cachent entre les rochers et le jeu consiste à les trouver. Une fois trouvé, cinq ou six personnes s’agglutinent autour de lui pour tenter de voler un cliché malgré l’obscurité: des panneaux rappellent que le flash est interdit, mais cela semble plutôt donner des idées à certains … Pauvres bêtes! Rassurez-vous c’est en ouvrant le diaphragme au maximum que j’obtiens suffisamment de lumière pour photographier ce manchot qui semble me dire « fous-moi la paix! ».
Sur fond de ciel de nouveau nuageux, un groupe d’Ibis à cou noir nous passe sur la tête, sans doute vont-ils rejoindre d’autre congénères dans un dortoir.
Mais quel est ce pays où l’on côtoie la même journée le manchot pygmée et le loriquet à tête bleue? Les espèces tropicales partagent leur territoire avec des oiseaux qu’on imagine sur la banquise. Les explications les plus rationnelles sont sans doute derrière tout ça, mais nous ne voulons pas y penser, de peur de rompre le charme. Tout est neuf à nos yeux, nous perdons nos repères et ce n’est qu’un début!
La Tasmanie
La péninsule du Tasman (Port Arthur)
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours relié la Tasmanie à son célèbre diable bien sûr mais surtout au Tigre de Tasmanie, emblématique espèce officiellement disparue en 1936 mais qui se cacherait encore dans les recoins isolés de l’île selon certaines personnes… En quatre jours, nous n’aurons pas le temps de vérifier leurs dires! Arrivée Hobart, location de voiture chez « Bargain Car Rental », deux ou trois heures pour s’habituer à la conduite à gauche et nous sommes déjà au Classic Cottage sur la péninsule du Tasman. Nous tombons sous le charme de notre logement, décoré avec le sens du détail et beaucoup d’authenticité. Léger briefing de Denis, le patron, et nous voilà déjà partis en bateau avec le Tasman Cruise pour deux heures qui resteront à jamais dans nos mémoires.
Dans un décor majestueux de falaises surplombant l’océan, le capitaine approche son embarcation au plus prés des lions de mer et des otaries. L’ Albatros à cape blanche, grand ambassadeur de l’hémisphère sud, déploie ses ailes majestueuses et le Pétrel géant a bien du mal à prendre son envol lorsque nous rompons sa tranquillité. Le Pygargue blagre a construit son nid sur un immense piton rocheux ou personne n’ira le chercher et le Cormoran de Tasmanie a trouvé refuge dans les affleurements rocheux. Nous sommes des explorateurs, perdus au milieu d’un monde inconnu avec une seule idée en tête: aller encore plus loin! Est-ce possible?
Dame Nature nous répond oui lorsqu’une personne s’écrit: « Killer Whale » (Orques!). Effectivement, deux adultes et un jeune au loin! Le bateau s’approche: concours de la meilleure photo avec tous nos compagnons de route. Malgré les remous, je m’en tire pas si mal. D’après les organisateurs, nous sommes très chanceux: ils voient des orques en moyenne deux fois par an, pas plus! Les animaux fuient, nous les suivons pour profiter de leur présence quelques minutes et s’enfuient à nouveau, nous les suivons encore… Ce petit manège dure quelques dizaines de minutes et il est temps de rentrer: plein gaz direction Fortescue. Les pastilles bio contre la nausée offertes par l’équipage ne sont pas de trop!
Après toutes ces émotions, l’après-midi est plus détendue: nous nous laissons porter par les routes de la péninsule, routes qui, soit dit en passant, sont des cimetières de wombats! Tous les cent mètres un cadavre figé par le froid orne le bord de la route. Vu la taille de l’animal tous les pare-chocs tasmans devraient être enfoncés … ?
Parmi les espèces notables nous faisons la connaissance d’un troglodyte mignon qui vient de revêtir son déguisement de Power Rangers (le Mérion superbe) ou encore ce vanneau qui ne sort jamais sans son masque (le Vanneau soldat). La plus belle surprise arrive en fin de journée aux abords d’une ferme proche de Taranna. Il y a une basse-cour avec un élevage d’oies, évidemment pas les oies cendrés que nous connaissons, non, ce sont des Céréopses cendrés. Un peu plus loin, quelques moutons et d’étranges formes sombres qui se détachent de la ligne d’horizon: trois Aigles d’Australie se délectent d’une carcasse d’agneau. Le spectacle est saisissant, même les locaux s’arrêtent pour admirer la scène. L’Aigle d’Australie est plutôt commun ici mais voir ce géant des airs en pleine séance de dégustation doit être plus rare. Un des trois individus laisse rapidement sa part aux deux autres. Un pygargue blagre arrive pour réclamer son dû mais l’hostilité de ses congénères a vite raison de son appétit.
Freycinet et Wineglass Bay
La deuxième étape de notre voyage Tasman nous emmène sur la péninsule de Freycinet. Les conditions climatiques de ces derniers jours rendent la route incertaine. Même à 300m d’altitude, neige et verglas peuvent être au rendez-vous. Les températures sont effectivement glaciales, nous restons prudents et roulons lentement. Malgré tout, cette virée dans le bush donne envie de s’attarder. Nulle part ailleurs nous n’avions vu des prairies immenses jonchés d’arbres qui paraissent centenaires. Nous naviguons parmi la Perruche ominicolore, le Méliphage bruyant et la Sarcelle australasienne dans la baie de Little Swanport ou encore le Fou austral et le Réveilleur noir à Spiky beach. Le Moulting lagoon dévoile notre première espèce endémique: la Perruche à ventre jaune. Le Moulting lagoon, classé zone Ramsar en 1982 est un spot ornitho digne d’intérêt. Ne pas hésiter à explorer les différents accès si vous en avez le temps.
Fin de journée, arrivée à Coles Bay au Camping Big4 (Iluka holiday center). L’ambiance est un peu moins authentique qu’à Port Arthur. Coles Bay est clairement une station balnéaire qui doit battre son plein pendant l’été. Mais, fort heureusement, nous sommes en basse saison et la météo semble nous réussir. Programme de la journée du lendemain: randonnée de 11km, à la découverte du Mont Mayson et surtout de Wineglass bay en plein cœur du parc national de Freycinet. Wineglass bay fait partie des plus belles plages du monde nous disent les guides touristiques. Après quelques kilomètres à sillonner les blocs de granite aux formes saugrenues, nous pouvons juger par nous même de sa splendeur. Plus d’un kilomètre de sable blanc, une eau turquoise et pas un chat à l’horizon. Cette tranquillité apparente est vite rompue, par un banc de dauphins qui a trouvé refuge dans les eaux paisibles de la baie… Ils sont là à quelques dizaines de mètres à parcourir le bassin de part en part. Ils amènenent une touche de magie à cette ambiance déjà féérique.
Un petit passereau aux couleurs contrastés a élue domicilie sur la plage: le Miro boodang qui s’apparente à notre Tarier pâtre. Il est accompagné par deux espèces d’Huîtriers: à long bec et fuligineux. La forêt dense et luxuriante qui borde la plage est le refuge du Martin-chasseur géant, du Pitohui gris, du Méliphage de Nouvelle-Hollande, du Méliphage à gorge jaune et du Séricome brun. Dans les airs, la menace plane toujours avec les deux rapaces les plus communs: le Pygargue blagre et l’Aigle d’Australie.
Lorsque nous rentrons au parking, les wallabies sont là et quémandent de la nourriture… un groupe de chinois leur jette des papiers d’emballage pour faire des selfies… On aura tout vu! Avant de rentrer à Coles Bay, nous faisons un détour par Cape Tourville. Vue splendide sur le large. Les îles en face appelées les « Nuggets » accueillent une colonie de Sterne Caspienne mais il faudra revenir au printemps et avec une bonne longue vue pour espérer les voir.
Notre périple Tasman touche à sa fin. Toutefois, le retour vers Hobart nous réserve encore quelques surprises. Aux alentours de Cranbrook, le Cacatoès funèbre, tellement imposant qu’il fait penser à un grand faucon, se montre peu farouche et tient la pause quelques secondes devant mon objectif.
Il nous reste quelques heures à tuer avant de prendre l’avion. Nous voulons accéder à l’Orielton lagoon mais l’office de tourisme de Sorell a bien du mal à nous renseigner. Nous essayons de trouver par nous même, sans succès. Et c’est toujours dans ces moments de frustration que l’imprévisible arrive. Une horde de Cacatoès rosalbin dont les couleurs sont dignes d’un manga japonais, nous tombe du ciel. Un rayon de soleil perce les nuages… Vite l’appareil!
Belle description de voyage, merci Jérémy, après on ira aux Indes…
Wow !! vivement la publication des parties 2 et 3 …